Handicap et sécurité : Les oubliés de l’inclusion professionnelle ?

9 Août 2025 | Publications, Analyse

Alors que les discours institutionnels sur l’inclusion ne cessent de gagner en visibilité, une réalité persistante interroge : les personnes en situation de handicap sont encore deux fois plus touchées par le chômage que la population générale. En France, elles représentent environ 7 % de la population active, mais peinent à s’intégrer durablement dans le monde professionnel.

Pourquoi ? Une composante pourtant essentielle est trop souvent reléguée au second plan : la sécurité, sous toutes ses formes.

Dans cette enquête, je propose de décrypter le lien fondamental et structurant entre handicap et sécurité, et d’interroger la réelle portée des politiques publiques adoptées pour répondre à cet enjeu existentiel.

Qu’est ce que le Handicap et la Sécurité ?

En France le handicap selon la loi du 11 février 2005 (Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) définit le handicap comme suit : Un handicap, au sens de la présente loi constitue, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. 

La sécurité en lien avec le handicap désigne l’ensemble des mesures, dispositifs et conditions mis en place pour protéger les personnes en situation de handicap contre les risques auxquels elles peuvent être exposées, dans tous les aspects de leur vie : au travail, dans les transports, à l’école, à la maison, dans l’espace public, etc…

I. L’emploi : une promesse d’intégration… conditionnée à la sécurité

Dès le premier contact avec le monde du travail, la personne en situation de handicap fait face à un double défi : être compétente et se sentir en sécurité. 

  1. Sécurité physique: un accès aux locaux, des équipements adaptés, une ergonomie du poste. 
  2. Sécurité psychologique: Une reconnaissance, la non-discrimination et l’écoute. 
  3. Sécurité juridique: Un accès aux droits, aux aides et aux recours. Or, trop souvent, ce filet de sécurité est perforé, fragile ou inexistant.

« Ce n’est pas tant le handicap qui m’empêche de travailler, c’est le risque que je ressens d’être abandonnée dans un environnement inadapté. » témoigne Inès, 34 ans, malvoyante.

II. Des dispositifs qui rassurent, mais ne suffisent pas

Depuis les années 2000, l’État français a mis en place une batterie de mesures destinées à favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap :

  • La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH),
  • L’obligation d’emploi à hauteur de 6 % dans les entreprises de plus de 20 salariés,
  • Les aides financières de l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (AGEFIPH) et du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP),
  • Le développement de l’emploi accompagné des entreprises adaptées (entreprise du secteur ordinaire qui emploie au moins 55 % de travailleurs handicapés parmi ses effectifs de production. Elle permet à des personnes en situation de handicap d’avoir un emploi salarié durable, tout en bénéficiant d’un accompagnement professionnel personnalisé), ou encore du CDD tremplin (un contrat à durée déterminée, proposé uniquement dans une entreprise adaptée volontaire, pour une durée de 4 à 24 mois).

Plus récemment, la loi du 2 août 2021 sur la santé au travail a introduit des dispositifs de prévention de la désinsertion professionnelle, en renforçant les liens entre médecine du travail, Cap Emploi et employeurs.

Pourtant, le ressenti sur le terrain est nuancé :

  • L’accessibilité reste insuffisante,
  • Les démarches administratives sont longues et complexes,
  • Le manque de formation des recruteurs conduit à des exclusions invisibles mais réelles.

III. L’illusion de l’inclusion : quand la sécurité devient un privilège

Les données sont parlantes :

  • 60 % des handicaps sont invisibles, et donc souvent mal pris en compte.
  • 1 entreprise sur 2 n’a aucune politique formalisée de maintien en emploi.
  • Les dispositifs d’accompagnement sont inégalement répartis sur le territoire.

« J’ai dû cacher mon handicap pour avoir une chance d’être recruté. Une fois en poste, je n’ai pas osé demander d’aménagement, de peur d’être licencié. » témoignage de Thomas, 45 ans, trouble neurocognitif.

Paradoxalement, la recherche de sécurité pousse certains vers des Établissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT) et à des entreprises adaptées qui sont des structures spécialisées, parfois au détriment de leur projet professionnel initial. Ce repli protégé peut se transformer en impasse professionnelle, faute de passerelles efficaces vers le milieu ordinaire.

IV. Ce qu’il manque : Une culture partagée de la sécurité inclusive

Si les outils juridiques existent, c’est leur application concrète et humaine qui reste inégale. Pour que la sécurité rime avec l’inclusion, plusieurs leviers doivent être renforcés :

  • Former les encadrants et recruteurs à la diversité des handicaps,
  • Créer une culture organisationnelle de la sécurité partagée, où les aménagements sont vus comme une norme, pas une exception,
  • Simplifier l’accès aux aides via des plateformes numériques unifiées,
  • Favoriser la portabilité des équipements adaptés, pour sécuriser les mobilités professionnelles,
  • Mettre fin au paternalisme institutionnel, qui enferme dans des structures spécialisées au lieu d’ouvrir vers la citoyenneté professionnelle.

Comment agir concrètement à l’inclusion et la sécurité des personnes en situation de handicap

Objectif: Mettre en place des actions inclusives visant à garantir la sécurité physique, psychologique, professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap dans tous les environnements de vie.

1. Diagnostiquer les risques spécifiques

  • Réaliser un audit d’accessibilité et de sécurité des lieux : repérer les obstacles, dangers potentiels, et manques d’adaptations.
  • Intégrer la dimension du handicap dans les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) en entreprise ou administration.

Référence: INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles;2022). Évaluation des risques professionnels dans une démarche de prévention. www.inrs.fr

2. Co-construire les plans d’action avec les personnes concernées

  • Associer les travailleurs handicapés, les usagers, et les associations à l’élaboration de politiques de sécurité et d’inclusion.
  • Organiser des groupes de parole, des retours d’expérience, et des comités de suivi de la qualité de vie au travail.

Référence: Défenseur des droits (2021). Le droit à la participation des personnes handicapées. www.defenseurdesdroits.fr

3. Adapter les lieux et les procédures d’urgence

  • Prévoir :
    • des issues de secours accessibles (rampe, signalétique adaptée, éclairage spécifique),
    • des protocoles d’évacuation individualisés,
    • des formations du personnel à l’accompagnement de personnes handicapées en cas d’incident.

Référence :

  • CNAMTS (Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) Assurance Maladie Risques Professionnels (2019). Prévenir les risques et sécuriser le travail des personnes en situation de handicap.
  • Ministère de la Transition écologique (2021). Accessibilité des établissements recevant du public. www.ecologie.gouv.fr

4. Former et sensibiliser

  • Former les encadrants, collègues, et agents aux :
    • enjeux du handicap,
    • gestes de premiers secours spécifiques,
    • comportements inclusifs.
  • Lutter contre les stéréotypes liés au handicap et à la vulnérabilité.

Référence: AGEFIPH (2023). Handicap et emploi : les bonnes pratiques pour une inclusion durable. www.agefiph.fr

5. Promouvoir l’innovation technologique inclusive

  • Intégrer les aides techniques et numériques favorisant la sécurité :
    • dispositifs d’alerte visuelle ou sonore,
    • outils de navigation GPS adaptés,
    • applications de gestion de crise pour personnes handicapées.

Référence: OCIRP (Organisme Commun des Institutions de Rente et de Prévoyance) Observatoire Handicap et Société (2022). Handicap, numérique et société inclusive. www.observatoire-handi.fr

En résumé

Une action d’inclusion liée à la sécurité passe par :

  • un diagnostic rigoureux,
  • une implication directe des personnes concernées,
  • une adaptation matérielle et organisationnelle,
  • une culture de la prévention et de la solidarité.

Conclusion : 

Sécurité et inclusion, un même combat

Le handicap n’est pas une faiblesse. Ce sont les environnements insécurisés qui deviennent des facteurs d’exclusion. Dans la recherche d’emploi comme dans le maintien en poste, la sécurité est bien plus qu’un cadre technique : c’est une condition de dignité, d’autonomie, et de justice sociale. Sans elle, l’inclusion professionnelle restera une promesse creuse.

Il est temps de reconnaître que l’accès à un travail digne et sûr pour les personnes en situation de handicap n’est pas un luxe, mais un droit fondamental.

Un exemple de témoignage inspirant d’une personne en situation de handicap, que l’on a aidée dans son parcours professionnel, et qui montre que le changement intérieur mène à l’évolution personnelle et sociale :

Témoignage de Sarah, 34 ans: Aujourd’hui assistante administrative dans une entreprise adaptée :

« Pendant longtemps, je pensais que mon handicap me condamnait à rester chez moi, sans avenir professionnel. J’avais perdu confiance en moi. Puis, j’ai rencontré une conseillère qui m’a parlé d’une entreprise adaptée. J’ai commencé par un CDD tremplin, où j’ai été accompagnée, formée, écoutée.

Au début, j’étais pleine de doutes. Mais un jour, j’ai décidé de changer de regard sur moi-même. Je me suis dit : “Et si je croyais un peu à ce que je peux faire, au lieu de me concentrer sur ce que je ne peux plus faire ?”

Ce déclic a tout changé. Grâce à cet accompagnement et à ma propre volonté, j’ai trouvé un emploi stable. Aujourd’hui, je me sens utile, reconnue, et surtout… capable.

Le handicap fait partie de moi, mais il ne me définit plus. Le vrai changement a commencé le jour où j’ai accepté de bouger intérieurement. C’est comme ça que les choses ont commencé à évoluer autour de moi. »

Ce témoignage montre qu’avec un accompagnement adapté et un changement de perception personnelle, les personnes en situation de handicap peuvent retrouver un rôle actif dans la société, et même inspirer les autres.

Référence bibliographique

  • Secrétariat d’État chargé des Personnes handicapées. (2023). Loi pour le plein emploi : un accès à l’emploi facilité pour les personnes en situation de handicap. handicap.gouv.fr
  • Cap Métiers Nouvelle-Aquitaine. (2024). Insertion professionnelle et handicap : les leviers, les freins, les dispositifs. cap-metiers.pro
  • AGEFIPH. (2023). Rapport annuel sur l’emploi et le handicap.
  • Sénat français. (2022). Rapport sur la mise en œuvre de la politique du handicap en matière d’emploi.
  • OCIRP. (2021). Handicap et emploi : entre progrès institutionnels et stagnation culturelle.

Dr. Fall Meddy Bipfouma-Khuniengson

ID : 13082366

Télécharger le document en PDF

INFORMATION

L’article (analyse, conseil, étude) est unique et a été rédigé par un bénévole expert de chez ADESS, ayant une grande expertise dans sa thématique de prédilection. Il a accumulé une expérience professionnelle significative et des diplômes qui lui sont associés.

ADESS n’a aucune intention d’approuver ou d’infirmer les opinions exprimées dans les publications, qui restent la propriété de leurs auteurs :