Le point sur la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’État.
Propos introductifs
Énormément de choses ont été dites et écrites sur le concept de « laïcité » à grand renfort de référentiels à la « Loi de 1905 ».
Petit rappel historique : la loi a bien été promulguée le 9 décembre 1905. Elle a été portée par Aristide Briand, alors député. Pour autant, la laïcité (son principe, sa légitimité, etc…) fut le sujet de très nombreux débats houleux et vigoureux durant toute la dernière décennie du 19ᵉ siècle.
La laïcité… qu’est-ce que c’est ?
C’est, en premier lieu, un terme idiosyncratique. Et, en second lieu, un concept unique et appliqué de manière absolue – pour ne pas dire absolutiste. Elle est l’un des fondements de notre Constitution. Elle est appliquée, de cette manière, dans un seul pays au monde : la France métropolitaine et ultra-marine.
Sur le terrain de l’étymologie, l’adjectif “laïc” et le nom commun “laïcité” sont issus du mot latin “laicus” se traduisant par “commun” ou “du peuple” (laos). L’origine latine du terme tend à démontrer que “laicus” est utilisé depuis – a minima – deux millénaires… voire plus, puisque le terme latin tire lui-même son origine du grec ancien “laikos”, dont la traduction est identique. Par ailleurs, selon l’académicien Jean-Luc Marion, la laïcité est considérée, par le Littré, comme un néologisme – aussi curieux et surprenant que cela paraisse. Le vénérable dictionnaire de référence ne reconnait, officiellement, que les termes de “Laïc / Laïque” qu’il définit laconiquement comme : « Qui n’est ni ecclésiastique, ni religieux ».
La loi dites de 1905 : Séparation des Eglises et de l’Etat
Sur le plan juridique, stricto-sensu, la Loi – proclamée en décembre 1905 est – fondamentalement – une Loi anticléricale, hostile à l’Église (aux Églises), à la chrétienté en général et au catholicisme en particulier. La Troisième République a été le théâtre d’une lutte idéologico-sociétale très violente tant dans l’expression verbale que par la violence physique. La Loi n’évoque pas le judaïsme, dont la pratique et la représentation publique ont été corsetées sous le Premier Empire. Quant au culte mahométan, vu le peu de pratiquants résidant en France à l’époque, il n’est pas du tout considéré ni évoqué dans le texte de Loi.
Il y a donc un anachronisme permanent, une dissonance doublée d’une incongruité notable lorsque l’on évoque la Laïcité « à la française » associée et corrélée à la pratique de l’islam, de nos jours.
La Loi de 1905 est très couramment citée par de nombreux commentateurs plus ou moins zélés. Elle l’est de manière souvent anarchique et désordonnée pour se protéger de “l’ogre religieux”. Elle est bien souvent portée haut, tel un bouclier n’ayant d’égal que les remparts infranchissables de Carcassonne.
La Loi est composée de quarante-quatre articles, dont certains sont subdivisés en plusieurs alinéas. Cette Loi a été modifiée à plusieurs reprises et sa dernière mouture est datée de 2021 (26 août). Que ce soit dans sa version originelle ou dans sa version la plus récente, aucun alinéa ne cite explicitement et ad hominem les différents cultes et jamais les noms : islam ou islamisme ainsi que leurs corollaires. On évoquera, au gré de certains alinéas ; et encore avec parcimonie : « les cultes » ou encore le terme « ecclésiastiques ». En outre, l’article 12 du titre III cite les principaux bâtiments utilisés par les Chrétiens et les Juifs : cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires, excluant de facto les mosquées et autres lieux de pratique musulmane (madrasa, mausolées, etc.…). La Loi de 1905 – y compris dans sa version la plus récente – ne légifère pas sur la vêture et l’affichage ostentatoire des croyants dans les lieux publics et qui fait débat aujourd’hui. Aucune référence à des attributs vestimentaires ou d’accessoires islamiques, catholiques ou judaïques n’y est mentionnée. Un seul article fait référence (très éloignée) à l’affichage public, c’est l’article 28 qui précise : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. » Vous l’aurez noté, on parle ici de monuments ou d’emplacements publics et pas de personnes.
Comme d’habitude, les islamistes se sont engouffrés dans la brèche au motif fallacieux du “tant que ce n’est pas interdit, c’est autorisé”. Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, la loi Laïcité ne fait jamais référence explicitement à l’islam ou à son bâti, à contrario des deux autres monothéismes et en particulier le Catholicisme, véritable cible de cette Loi qui a été pensée – dès son origine – comme une Loi «Catholicide». Partant de ce postulat, comment voulez-vous que les islamistes se sentent concernés par une Loi qui ne les cite même pas ! De facto, ils ne peuvent être en infraction avec ladite Loi.
On évoque, surtout dans le milieu scolaire et périscolaire ou dans le milieu professionnel, des “entorses à la laïcité”, mais – factuellement et au regard de la loi – stricto sensu – il n’en est rien… Sinon des « entorses” mais aux différents règlements intérieurs (monde de l’entreprise ou scolaire et universitaire).
Les islamistes – et je précise bien les islamistes – n’en ont cure de la laïcité, c’est un non-sens, une abomination pour eux. Ils considèrent que la Loi de Dieu (Charia) est bien supérieure aux Lois « terrestres et humaines ». Ils estiment que la laïcité est – peu ou prou – l’équivalent d’un athéisme. Ils continueront donc – faute de modifications profondes de la Loi – de la bafouer allégrement avec l’aide et la “bénédiction” du législateur.
D’ailleurs, ce dernier semble moins pressé de modifier le texte de loi que de s’appesantir sur les ruines anachroniques de 1905.
Source : site de l’Assemblée Nationale.
CE DOCUMENT NE SE VEUT PAS EXHAUSTIF. IL EST LE REFLET D’OPINIONS PERSONNELLES ALIMENTÉES PAR DES ANNÉES DE TERRAIN, D’ANALYSES ET D’OBSERVATIONS.
Les propos infra sont une vision, une perception, un paradigme personnel. Il n’engage que l’auteur de ces lignes et ne remet pas en cause les éléments factuels, structurels et conceptuels décrits supra.
Face à la déchristianisation et à la poussée inexorable de l’islamisme, j’ose le retour de la religion d’Etat
En ce qui me concerne, je suis opposé à la laïcité dans son acception actuelle. Je considère que l’on devrait abroger totalement cette loi et appliquer une religion d’État comme ce fut le cas durant des siècles en France. C’est également le cas dans l’immense majorité des pays, comme nous l’avons vu dans les propos introductifs.
La « religion d’État » n’oblige personne à croire ou à ne pas croire et n’oblige personne à adhérer à un dogme ou à une gnose particulière. Il s’agit simplement de [re]tisser des liens solides entre les structures étatiques et religieuses. En l’occurrence, et au vu de l’histoire de France (fille aînée de l’Église), le Catholicisme est un choix qui s’impose de lui-même. Rituels séculaires s’il en est, le sacré, le spirituel et le religieux ont forgé, unifié, galvanisé et consolidé des civilisations entières sur tous les continents tout au long de l’histoire. Il ne me semble donc pas inopportun de recréer et de solidifier ce lien devenu, au fil des siècles, ténu. Chacun restant libre de croire ou pas, de fréquenter les lieux de culte ou pas, d’afficher sa spiritualité ou pas… Par ailleurs, une religion d’État n’empêche en rien les autres cultes de s’exercer et de croître. En d’autres termes, d’exister ou, plus précisément, de coexister.
Tratuferie, hypocrisie
Quand j’évoque cet aspect-là, on me rétorque régulièrement que l’abrogation de la loi sur la laïcité, c’est autoriser, légaliser le port de vêtements et d’accessoires religieux dans les différents espaces publics. Ce à quoi je réponds – en prenant l’exemple de vêtements controversés et défrayant régulièrement la chronique, du qamis, du niqab et autres hidjabs : « Oui, et alors, qu’est-ce que ça change au quotidien ? » Le port de vêtements religieux et/ou communautaires (sans dissimulation du visage) est légal, plus que toléré par la population non musulmane et quasiment entré durablement dans le paysage visuel urbain et rural en Europe. Quant à la dissimulation du visage, il s’agit d’une tartuferie puisque les contrevenantes se sont engouffrées dans la brèche juridique (une de plus !) en optant pour le port du masque sanitaire. Par ailleurs, antérieurement à la crise du Covid, les contraventions n’étaient (quasiment) jamais réglées : qui de se déclarer insolvable, qui de se faire payer ladite amende par un millionnaire algérien, etc. … Bref, une Loi hypocrite, inefficace, inappliquée (et presque inapplicable) ; elle est – de surcroît – contournable à l’envi.
Alors, si c’est pour ne pas appliquer une loi et, pire que ça, la voir bafouer au quotidien, autant la supprimer. On notera que les « laïcards » idéologisés sont bien plus tolérants avec le monde du communautarisme islamique qu’avec les autres cultes.
Curieux, non ?
Quelle est ma légitimité pour écrire cet article ?
J’ai exercé pendant quarante années au sein de deux ministères régaliens, la défense et l’intérieur. Dans ce dernier, j’ai – pour l’essentiel de mon temps – travaillé dans le domaine de la prévention de la radicalisation à caractère islamiste ainsi que dans le suivi de l’islam radical à connotation jihadiste.
J’ai également suivi le phénomène de conversion à l’islam – avec ou sans radicalisation – principalement en milieu scolaire, post ou périscolaire. J’y ai rencontré de nombreux convertis ou en voie de l’être ainsi que des parents ou des proches, désemparés, ne sachant comment gérer et interagir face à un tel bouleversement qui touche tous les milieux sociaux.
Mon parcours au sein du ministère de l’intérieur a été agrémenté de deux missions (en qualité d’observateurs internationaux). L’une au Kosovo en 1999 – 2000 et la seconde dans la bande Gaza en 2005 – 2006.
Cette double formation me permet de porter un discours désidéologisé, fruit de très nombreuses rencontres et d’expériences de terrain.
Philippe Châtenet – ID : 13340480