L’Islamisme…
Tentative de définition
Voilà un terme qui est surabondamment utilisé depuis des années par les divers médias sans, pour autant, en définir clairement les contours de ce terme, devenu un « mot-valise ».
Le regretté islamologue Antoine Sfeir répond à cette interrogation dans l’un de ses ouvrages en y apportant cette réponse pour le moins inattendue. Il tente une réponse en posant la question : « Qu’est-ce qui fait que le suffixe –isme n’ait pas la même signification dans l’islamisme qu’il ne l’a dans catholicisme, judaïsme, bouddhisme, taoïsme, hindouisme et que sais-je encore… ». L‘imminent islamologue répond que rien ne l’explique et qu’il s’agit d’une incongruité lexicale bien française… Une de plus, me direz-vous !
Antoine Sfeir définit l’islamisme comme un islam politique qui – comme tous les mouvements politiques – n’aspire qu’à un seul but (obsessionnel) : c’est la conquête du pouvoir.
Les Ikhwan Muslimi
S’il y a bien un mouvement qui définit parfaitement l’islamisme, c’est bien les Ikhwan Muslimi (les Frères Musulmans, FM). Idéologues patentés dont la conquête du pouvoir ne souffre d’aucune ambiguïté, puisqu’elle est publique et matérialisée par l’article 5 de sa charte qui considère que « tout Ikhwan doit faire son possible pour islamiser la terre sur laquelle il vit » et – de facto – la rendre islamo-compatible.
Pour mieux comprendre la stratégie des FM, on se reportera utilement aux livres Le Projet d’Alexandre Del Valle ou Le frérisme et ses réseaux de Florence Bergeaud-Blacker, ainsi qu’aux ouvrages d’Emmanuel Razavi…
Les FM sont ce qui définit – aujourd’hui – le mieux l’islam politique. Ils sont les idéologues d’un Islam fondamentaliste, élitiste, respectueux des lois des pays dans lesquels ils sont implantés. Ils sont également les champions de la duplicité. Ils usent et utilisent d’autres groupes, groupuscules, voire obédiences comme « idiots utiles » pour parvenir à leurs fins. N’étant pas dépourvus de tous reproches, ils sont également responsables, voire co-auteurs de crimes de sang (assassinat du Président égyptien Anouar El-Sadate, pourtant lui-même ancien membre de la confrérie, etc…).
L’Islam politique fourbit ses armes
Et pour cela, les islamistes vont utiliser deux armes qu’ils maîtrisent parfaitement : favoriser l’élitisme et – plus pernicieux – la notion de temps. Ce à quoi, il faut ajouter le dénigrement, l’insulte et l’anathème… En particulier sur les réseaux sociaux où ils sont particulièrement actifs et bien souvent vindicatifs.
Les FM prônent l’élitisme, ils encouragent les membres à intégrer les grandes écoles et les formations de prestige de manière à incorporer les plus hautes sphères étatiques ou entrepreneuriales. C’est le nivellement par le haut qui “tire” chacun d’entre eux au sein d’une compétition du « qui sera le meilleur, le plus prestigieux ».
Par ailleurs, comme l’a démocratisé l’islamologue Gilles Kepel par sa célèbre phrase devenue presque un aphorisme : « Nous avons la montre, ils ont le temps. » Cette notion est essentielle et très « orientale » ou arabo-musulmane. L’islamiste n’est pas pressé. Il refuse d’être un occidental (malgré des apparences trompeuses et dissimulatrices que d’aucuns nomment la Taqia). Cette notion du « temps vite » n’a pas cours chez les islamistes. Ils sont – par-dessus tout – convaincus de leurs buts, de la finalité et du bon droit de leurs actions. Dans la tête d’un islamiste trône cette antienne : « Si ce n’est pas notre génération qui arrive à islamiser, ce sera la suivante (ou encore celle d’après, etc…) »
En guise de conclusion
L’islamisme s’est répandu partout sur la planète – depuis 1928 – que ce soit dans des pays dits musulmans ou pas. Souvent conspué ou chassé de divers territoires, il renaît de ses cendres tel le phénix. Il faut le considérer pour ce qu’il est, c’est-à-dire, un mouvement politique. Mais contrairement au sens occidental du terme, il possède en son sein une volonté hégémonique. Il ne déroge pas à se salir les mains par des crimes de sang qui entachent son histoire, mais peu importe, il poursuit son « islamisation » coûte que coûte. L’islamisme s’engage aussi fortement sur le terrain de la sémantique – par l’utilisation du terme « islamophobe » – qui ne signifie rien en soi, mais qui est repris par toute la doxa. Les FM sont très présents dans le monde associatif et humanitaire …
In fine, c’est aux politiques de combattre cette idéologie, mais c’est des musulmans que viendra la solution.
Quelle est ma légitimité pour écrire cet article ?
Fort de quarante années passées au sein de deux ministères régaliens, la défense et l’intérieur, j’ai – pour l’essentiel de mon temps – travaillé dans le domaine de la prévention de la radicalisation à caractère islamiste ainsi que dans le suivi de l’islam radical à connotation jihadiste.
J’ai également suivi le phénomène de conversion à l’islam – avec ou sans radicalisation – principalement en milieu scolaire, post ou périscolaire. J’y ai rencontré de nombreux convertis ou en voie de l’être ainsi que des parents ou des proches, désemparés, ne sachant comment gérer et interagir face à un tel bouleversement qui touche tous les milieux sociaux.
Mon parcours au sein du ministère de l’Intérieur a été agrémenté de deux missions. (en qualité d’observateurs). L’une au Kosovo en 1999 – 2000 et la seconde dans la bande Gaza en 2005 – 2006.
Cette double formation me permet de porter un discours désidéologisé, fruit de très nombreuses rencontres et expériences de terrain.
Philippe Châtenet
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