La protection des lanceurs d’alerte dans le domaine du renseignement
En France, la protection des lanceurs d’alerte dans le domaine du renseignement, est de base régie par la loi du 24 Juillet 2015 relative au Renseignement sans oublier les dispositions de l’article 40 du code de la procédure pénale obligeant tout agent public investi de mission de Service Public ayant connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, un crime ou délit, un dysfonctionnement du service et toute violation ou atteinte à l’intérêt général, à signaler ces faits au Procureur de la République sans délai avec des garanties légales de protection à l’appui.
L’objectif unique est de les protéger contre toute atteinte à leur vie privée et professionnelle.
Cependant, malgré ces dispositifs de protection, la loi du 24 Juillet 2015 contient des lacunes qui seront complétées par les mesures de nouvelles lois prenant en compte la définition précise, les règles de procédure du signalement et le régime de protection légale des lanceurs d’alerte.
Brièvement, l’État a instauré des dispositions législatives avec la même finalité telles que : La loi Sapin II du 09 Décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et les lois Waserman du 21 Mars 2022.
Ce présent article a le mérite de mettre l’accent en théorie, sur le statut juridique du lanceur d’alerte dans le domaine du renseignement sur le territoire et en pratique, d’évaluer le niveau d’efficacité et d’efficience des mécanismes de protection légale du lanceur d’alerte de nos jours.
Au regard de tout ce qui précède, il faut parler d’une part, des mesures de protection du lanceur d’alerte en matière du renseignement et d’autre part, leur niveau d’efficacité actuelle.
Les mesures de protection du lanceur d’alerte en matière de renseignement
Dans le domaine du renseignement, le lanceur d’alerte est un agent public des services de renseignement qui signale, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des faits constitutifs d’infraction et doit informer la CNCTR. En cas d’un non-retour, reste à envisager en urgence les dispositions de l’article 40 du code de la procédure pénale. En dévoilant ces actes illégaux pour assurer la sauvegarde de l’intérêt général, le lanceur d’alerte s’expose à d’éventuelles représailles. Ce n’est qu’à partir de 2016, que les législateurs ont mis en place un régime juridique unique de protection des lanceurs d’alerte. En France, la loi Sapin II du 09 Décembre 2016 a instauré un véritable statut protecteur du lanceur d’alerte, applicable aussi dans le domaine du renseignement. Son article 6 a défini le lanceur d’alerte comme une personne physique et non pas un syndicat ni une association qui a connaissance personnelle des faits divulgués, désintéressée et de bonne foi. Sont exclus les faits, informations, documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client. Cette loi a aussi garanti l’anonymat identitaire du lanceur d’alerte et des personnes visées par un dispositif de recueil des alertes, des canaux de signalement gradués et un accompagnement des autorités publiques. La divulgation publique n’est possible qu’en cas de crime, de délit, de préjudice à l’intérêt général, de fait discriminatoire ou de harcèlement.
Malgré ce progrès, la loi Sapin II fut insuffisante et complétée par les lois Waserman dont l’une est organique, relative au renforcement du rôle et des compétences du Défenseur des Droits en matière de signalement d’alerte et l’autre est ordinaire, visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte en élargissant la définition du lanceur d’alerte et la portée du droit d’alerte d’où ses dispositions peuvent s’appliquer aussi aux lanceurs d’alerte dans le domaine du renseignement et apportent des assouplissements comme l’obligation d’agir de manière désintéressée remplacée par l’absence de contrepartie financière, la connaissance personnelle des faits supprimée, toute tentative de dissimulation de violation du Droit admise. Sur les canaux de signalement, elle permet désormais au lanceur d’alerte de choisir librement soit en interne dans son Administration ou en externe auprès de la Justice ou des autorités compétentes.
Il reste à connaître le niveau d’efficacité de ces mesures de protection d’alerte au XXI ème siècle.
Le niveau d’efficacité des mesures de protection du lanceur d’alerte dans le monde du renseignement
Les lois Sapin II et Waserman ont constitué une avancée par rapport à l’instauration d’un régime protecteur des lanceurs d’alerte dans le domaine du renseignement.
D’abord, la loi Sapin II a permis de renforcer l’anonymat de l’identité du lanceur d’alerte c’est-à-dire que son identité ne peut être dévoilée sans son consentement, de le protéger contre les représailles et les répercussions professionnelles, d’ailleurs toute mesure discriminatoire à son égard est désormais punie par la loi, des sanctions en cas de violation des droits du lanceur d’alerte par la hiérarchie et l’accès à un dispositif de soutien et d’accompagnement.
Ensuite, la loi organique Waserman a permis au Défenseur des Droits d’orienter les lanceurs d’alerte et de réorienter les alertes en cas d’incompétence reconnue par l’autorité externe.
Et enfin, la loi ordinaire Waserman, quant à elle, a permis d’améliorer la protection des lanceurs d’alerte dans le domaine du renseignement et celle des personnes physiques (collègue ou proche) ou morales à but non lucratif (association ou syndicat) qui les accompagnent : les Facilitateurs, d’élargir la notion du lanceur d’alerte, de simplifier les canaux de signalement, d’étendre son irresponsabilité de Droit, d’allonger la liste des représailles interdites plus une amende de 60 000 euros en cas de procédures-bâillons et de proposer des provisions pour les frais juridiques.
Mais, il est fort de constater que leur niveau d’efficacité et d’efficience est remis en cause voire insuffisant pour la Doctrine du fait de l’absence d’une immunité absolue du lanceur d’alerte, la persistance des risques, la complexité des procédures de signalement. Les affaires comme Snowden, Amar Benmohamed et Ariane Lavrilleux en témoignent. L’avocat Pierre Farge souligne des lacunes de la loi Sapin II comme l’obligation de signaler les faits d’abord à la hiérarchie ou son référent et rajoute que « le nerf de la guerre, c’est la prise en charge financière ». Pour des raisons économiques, certains agents du service de renseignement refusent d’alerter. Quant à la loi ordinaire Waserman, elle est plus réparatrice des dégâts causés aux lanceurs d’alerte, isolés et fragiles.
Il faut revoir ces mécanismes juridiques de protection et faire évoluer la culture d’alerte au sein des Administrations privées comme publiques pour assurer une bonne Gouvernance, le respect des Droits de l’Homme, les Principes, les Valeurs de la République et surtout garantir la Démocratie tout en préservant une Sécurité Nationale à long terme.
Télécharger le document en PDF
Auteur Anonyme